08/02/2008

Des Esseintes




Jean Des Esseintes est le personnage principal du roman À rebours de Joris-Karl Huysmans paru en 1884.

Ce roman, le plus représentatif du mouvement décadent, met en scène l'ultime rejeton d'une famille noble, le duc Jean Floressas Des Esseintes, jeune dandy excentrique qui après une vie agitée pendant laquelle il a fait l'expérience de tout ce que pouvait lui offrir la société de son temps se retire seul dans un pavillon qu'il va aménager selon ses goûts et caprices d'esthète raffiné.

Rejetant la modernité, il réunit les ouvrages les plus précieux, les objets les plus rares, pour se consacrer à l'oisiveté et à l'étude.

Il pousse ainsi la recherche de l'esthétisme et du raffinement aristocratique à son paroxysme, crée des parfums raffinés, un jardin de fleurs vénéneuses, un orgue à bouche permettant de composer la musique des liqueurs, et fait même incruster des pierres précieuses dans la carapace recouverte d'or d'une tortue.


Morceaux choisis :

"La décadence de cette ancienne maison avait, sans nul doute, suivi régulièrement son cours."

"Tel qu’un ermite, il était mûr pour l’isolement, harassé de la vie, n’attendant plus rien d’elle ; tel qu’un moine aussi, il était accablé d’une lassitude immense, d’un besoin de recueillement, d’un désir de ne plus avoir rien de commun avec les profanes qui étaient, pour lui, les utilitaires et les imbéciles." 

"Le mouvement lui paraissait d'ailleurs inutile et l'imagination lui semblait pouvoir aisément suppléer à la vulgaire réalité des faits." 

"Positivement, il souffrait de la vue de certaines physionomies, considérait presque comme des insultes les mines paternes ou rêches de quelques visages, se sentait des envies de souffleter ce monsieur qui flânait, en fermant les paupières d'un air docte, cet autre qui se balançait, en se souriant devant les glaces ; cet autre enfin qui paraissait agiter un monde de pensées, tout en dévorant, les sourcils contractés, les tartines et les faits divers d'un journal."

"Enfin il haïssait, de toutes ses forces, les générations nouvelles, ces couches d'affreux rustres qui éprouvent le besoin de parler et de rire haut dans les restaurants et dans les cafés, qui vous bousculent, sans demander pardon, sur les trottoirs, qui vous jettent, sans même s'excuser, sans même saluer, les roues d'une voiture d'enfant, entre les jambes. "

"Tout n’est que syphilis, songea Des Esseintes, l’œil attiré, rivé sur les horribles tigrures des Caladiums que caressait un rayon de jour."

"Son mépris de l'humanité s'accrut ; il comprit enfin que le monde est, en majeure partie, composé de sacripants et d'imbéciles."

"Après les fleurs factices singeant les véritables fleurs, il voulait des fleurs naturelles imitant des fleurs fausses."

"Il ne vivait guère que la nuit, pensant qu’on était mieux chez soi, plus seul, et que l’esprit ne s’excitait et ne crépitait réellement qu’au contact voisin de l’ombre ; il trouvait aussi une jouissance particulière à se tenir dans une chambre largement éclairée, seule éveillée et debout, au milieu des maisons enténébrées et endormies, une sorte de jouissance où il entrait peut-être une pointe de vanité, une satisfaction toute singulière, que connaissent les travailleurs attardés alors que, soulevant les rideaux des fenêtres, ils s’aperçoivent autour d’eux que tout est éteint, que tout est muet, que tout est mort."